Makenzy Orcel
« Tu existes, tu es là, ma petite, parce qu’une harmonie exceptionnelle l’a voulu, comme il existe des rivières, des collines, des arbres et des milliards d’étoiles dans le ciel… »
Il y a des lectures pour lesquelles le contexte est particulièrement important : pourquoi choisit-on de lire tel roman à tel moment ? Celui-ci, je l’ai ouvert par, comment dire… conscience professionnelle. Je n’en avais pas particulièrement envie mais quand j’ai vu qu’il faisait partie des 15 finalistes pour le Goncourt 2023, je me suis dit que ça valait sans doute le coup.
«… la vie il faut la supporter, (…) et ce n’est pas simple… »
La protagoniste a décidé de se suicider. Après une tentative échouée de défenestration, elle a choisi de se jeter sur les rails du métro. En pleine heure de pointe. Une manière de faire payer à la société la vie qu’elle a vécue, ou plutôt supporté pendant une petite quarantaine d’années. Depuis l’au-delà, elle revient sur son histoire. A ce niveau-là, on ne peut pas dire un parcours semé d’embûches, c’est trop peu.
Enfant non désirée et non aimée, notamment par sa mère, elle a grandi dans un tout petit village de province où elle se devait de supporter les commerçants, le curé, les amis des parents et son oncle paternel. Celui-là même qui, entre autres méfaits, l’a violée à l’adolescence. Sa mère ne la croyant pas, elle est affublée de l’étiquette de menteuse. Elle serre les dents et attend patiemment de pouvoir quitter le domicile parental pour rejoindre Paris.
Là, elle intègre La Sorbonne et un groupe supposé d’amis. Elle s’essaie au Slam sur de petites scènes, rencontre Orcel, son grand amour, le 11 novembre 2015. Il meurt au Bataclan le 13. De dépression en dépression, elle avance. Son chemin croise celui de Makenzy, pervers-narcissique égoïste et infidèle, qu’elle tentera par tous les moyens de se convaincre d’aimer. Des crises, des engueulades, des filtres, des mensonges, des réconciliations. Rien de stable, rien qui permette au couple en général et à la narratrice en particulier, de trouver le bonheur. D’où le suicide.
« … le sentiment d’abandon, si on n’y prend pas garde, peut très vite se remplir de n’importe quoi… »
J’ai déjà écrit, dans un article précédent, que je ne comprenais pas toujours la logique du Goncourt. Pourquoi ? Qu’est-ce qui justifie les choix, les sélections ? Les membres du jury ont-ils une grille ? Une fiche évaluant tant le style narratif, la construction que le contenu ?
Je ne vais même pas tourner autour du pot. Je n’ai pas du tout aimé ce roman. Je ne comprends pas. Le phrasé, la structure du récit, le parti pris de l’auteur (je pensais, en découvrant au niveau de la page 500 - sur 620 - que cela allait changer mon appréciation, mais non). J’ai aimé ni la forme donc, ni le fond.
La littérature doit nous permettre d’ouvrir les yeux sur ce que la vie a de pire, OK. Nous préparer, en quelque sorte, à ce que le malheur existe. Mais à ce niveau là ? Tout est noir (contrairement au roman de Claire Berest). On sait, certes, dès le début que l’issue est le suicide mais quand même. Il y a une complaisance dans le malheur, dans l’accumulation d’emmerdes, de souffrances. Rien ne trouve grâce aux yeux de l’écrivain : même Orcel, notre lueur d’espoir à la narratrice et nous, est condamné.
Je ne comprends pas, et cela m’agace. Je geins, peut-être, agacée de ne pas avoir aimé, de ne pas avoir compris la beauté de ce récit ? Mais je ne peux m’empêcher de faire un parallèle avec le Cher Connard de Despentes qui a été décrié par beaucoup pour sa vulgarité et sa vision négative du monde alors que j’y ai décelé une forme de maturité et d’ouverture à la lumière. Ici, point de lumière, rien que de la souffrance, à vivre et à lire
« …aucune femme n’est plus grande que la petite fille qu’elle a été…»
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