Baptiste Beaulieu
« L’enfance, c’est cette vieille dame très sage qui apprend aux enfants différents à savoir aimer avant de savoir mentir. »
C’est quoi, c’est comment être homosexuel ? ça veut dire quoi ? ça implique quoi ? ça remue quoi dans la société et dans les mœurs ?
Quand Baptiste est enfant et qu’il regarde La Cage aux folles avec ses parents, il rit, mais jaune et sent déjà qu’il y a un décalage. Dans les vestiaires du sport, adolescent, il constate une dissonance entre ses camarades et lui. Il se sent oppressé, observé, jugé. Condamné. Parce que très jeune il a su qu’il aimait les garçons et, en même temps, il a tenté de le cacher, tant il en avait honte. Entre amis, en fac de médecine et plus tard, pendant son internat, il a serré les dents et caché ce qu’il est. Jusqu’à ce qu’il ne le dissimule plus. Jusqu’à ce que la violence de ce secret soit trop lourde à porter, non pas à cause de lui, mais à cause de ce que son identité, son appartenance à une minorité, déclenche chez la majorité.
Le problème, ce n’est pas Baptiste, le problème c’est le système hétéro-normé dans lequel on évolue et que l’on accepte, tacitement, quand on ne se rend pas coupable d’homophobie, par connerie ou par maladresse.
A partir de son histoire de vie et de son parcours personnel (et professionnel), l’auteur s’adresse à nous et explique, argumente, illustre les pires travers de la société dans laquelle nous avançons. Une société où un homme se fait agresser parce qu’il tient la main de son amoureux, une société où on accuse une femme d’être un trans parce qu’elle a du pouvoir ou qu’elle n’entre pas dans la norme. Une société enfin où on se targue d’avoir légalisé le mariage pour tous, la GPA et l’adoption pour les couples homo-parentaux tout en semant d’embûches le trajet vers la parentalité. L’hypocrisie règne en maîtresse, quand on ne baigne pas carrément dans la connerie misogyne qui tente de priver les femmes et les LGBT+ du droit au bonheur ou - plus simplement - à la liberté d’être.
« Hétéroland est un pays où le mensonge est institutionnalisé, mais la chair est meilleure quand elle est parfumée à la honte. »
Baptiste Beaulieu, on le voit et on l’entend partout, tout le temps. Ce jeune médecin (oui, à peine 40 ans, c’est jeune), homosexuel assumé et revendicatif, actif sur les réseaux sociaux et présents dans les médias a quelque chose à nous dire. A nous faire comprendre. Et on a tout intérêt à lui prêter l’attention qu’il réclame et qu’il mérite.
Dans cet essai qui se part de son expérience pour s’élargir sur une étude au microscope de notre société - qui doit changer, il explique qu’il y a encore pas mal de travail pour que nous méritions vraiment le “Liberté, Egalité, Fraternité” des frontons de nos mairies. Parce que non, le système n’est ni égalitaire, ni libertaire, ni fraternel. Il est violent envers ceux qui sont considérés comme anormaux, à la marge, différents.
J’ai été particulièrement touchée par ce témoignage et notamment la mise en parallèle des couples. Il y a des choses qui m’ont littéralement sauté à la gueule et que je me dois de garder en tête. Je ne peux plus dire que je ne savais pas. Cet écrit interroge nos positionnements individuels, comme Jodi Picoult l’avait fait dans Mille Petits Riens sur la question du racisme ordinaire, et cela ne peut être que bénéfique de se remettre en question dans nos pratiques sociales, nos comportements, nos représentations et nos échanges avec autrui.
« Une famille, ce n’est pas du biologique : c’est du temps, de l’amour, des souvenirs et beaucoup d’engueulades. »
J’ai entendu il y a très peu “on les entend plus qu’avant, si les homos veulent qu’on leur foute la paix, il n’ont qu’à se faire plus discrets”. Et bien non. Ce n’est pas comme ça que ça doit se passer. Ce n’est pas en les faisant taire que ça fonctionnera. L’idée est de les entendre, de les écouter, de les accepter. L’idée, c’est que cela devienne si banal qu’on n’y fasse plus attention, qu’ils ne soient plus la cible des moqueries, des brimades et des passages à tabac.Qu’ils fassent partie de la norme. L’amour n’est pas différent, le couple n’est pas différent. Ce qui rend différent, c’est le regard que l’on pose sur ceux qui se tiennent la main et qui s’aiment. Ce qui gêne dans l’homosexualité, c’est l’homophobie.
Alors oui, Beaulieu, on le voit et on l’entend partout, mais ce n’est pas encore assez. Il faut qu’on le soutienne, qu’on le répète, qu’on le promeuve, qu’on en parle et qu’on l’aide. Parce qu’il est une voix, celle d’une minorité qui a toute sa place dans notre société (n’en déplaise aux vieux tontons racistes, homophobes et misogynes) et encore plus dans l’avenir, pour que nos enfants soient libres d’être et d’aimer qui ils veulent, en toute sécurité.
« L’histoire l’atteste : le pacifisme donne de moins bons résultats qu’une bonne claque dans la gueule. »
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