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Servir le Peuple

Alex W. Inker

d’après le roman de Yan Lianke

Petite pause dans le roman en cours pour me frotter à cette bande-dessinée qui m'a interloquée par son thème, son trait, sa couverture.


Nous suivons les aventures de Petit Wu, jeune homme qui a des rêves de grandeur dans la Chine révolutionnaire et néanmoins rurale. Le garçon est ambitieux, courageux, et loyal. Il sait que pour gravir les échelons de la société, il ne faut reculer devant aucun sacrifice, il ne faut pas s'économiser et se donner corps et âme à son objectif. Du coup, il met les bouchées doubles : d'abord pour se trouver une épouse, ensuite pour intégrer un régiment, puis pour asseoir sa situation et assurer son honneur, son avenir et celui de sa famille.

A force de courage et de persévérance, il est positionné comme cuisinier et majordome dans la maison d'un vieux colonel, marié à une très jeune et très belle femme. Du coup, arrive ce qui devait arriver et Petit Wu va s'abandonner au plaisir de la chair, utilisant l'argument du service du Peuple pour justifier (et excuser) cet adultère.


Le dessin a quelque chose, non pas de dérangeant mais de particulier. Il fait penser à ces illustrations que nous regardions enfant avec des lunettes "3D" (vous savez, un verre rouge, un verre vert), pour voir un peu de relief... En fonction de l'endroit où se trouve Petit Wu, on alterne entre le vert et le bleu, mais toujours, toujours, la teinte qui domine est le rouge de la révolution.


Encore une fois, c'est un coup donné aux représentations que l'on peut avoir de la Chine et des Chinois, de la révolution et de l'engagement des révolutionnaires. On se rend compte, comme avec les écrits de Xinran ou de Weihui par exemple que nous avons un modèle, une vision - de ce peuple et de ce pays - biaisée, nourrie par les médias et Hergé (oui oui, je sais, je risque de ne pas me faire d'amis sur ce coup là).

La révolution Chinoise a laissé des traces dans nos esprits et cela nous empêche sans doute de considérer les habitants de cette belle et grande nation comme des personnes "normales", avec des vies "normales", des désirs et des besoins "normaux",...


Je ne dirai pas que "Servir le Peuple" est la lecture de l'année, que c'est le roman graphique à lire de toute urgence, mais elle a le mérite de casser des stéréotypes en s'appuyant sur d'autres, et de jouer non seulement avec les représentations mais aussi sur les petits détails qui permettent de contourner, de biaiser, de ne pas se conformer et de montrer les Chinois comme ils sont : comme tout le monde...


La vie est-elle un jeu ou le jeu prend-il la place de la vie ? On peut dire que le jeu fait partie de la vie comme la vie fait partie du jeu. En réalité, les deux ne font qu'un.


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