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Rien n'est noir

Claire Berest

« Quelle différence entre l'amitié et l'amour ? Il faut dire je t'aime quand on a le temps. Après on oublie, après on part, après on meurt.»

J'ai souvent entendu dire de moi que je suis obsessionnelle, particulièrement avec les auteurs que j'aime. Claire Berest est rentrée dans ce club select de mes coups de cœur et je me suis donc plongée, après Artifices et Gabriële (co-écrit avec sa soeur Anne) dans la lecture de ce roman biographique.


« Jamais on ne verra à nouveau (une) personne comme la première fois, c'est terminé, c'est évanoui. Dessiner un visage, c'est dessiner du temps passé.»

La couverture montre de profil un couple qui s'embrasse. On devine sous cet angle que la femme n'est pas très belle mais passionnée, amoureuse, entière dans le baiser qu'elle donne et qu'elle reçoit. Cette femme, c'est Frida Kahlo. Peintre mexicaine du début du XXème siècle, cette artiste a eu une vie pour le moins intense, nourrissant curiosité et fantasmes.

Alors qu'elle sort juste de l'adolescence et qu'elle a obtenu son entrée dans une prestigieuse école jusqu'alors réservée aux hommes, la jeune Frida subit un grave accident : le bus dans lequel elle est installée avec son amoureux est heurté de plein fouet par un tramway. La colonne vertébrale est brisée, entre autres grands dommages. Sa vie part également en morceaux : ses rêves, ses ambitions. Alitée pendant deux ans, elle commence à peindre et à force de volonté, réussit à marcher de nouveau.

Elle se passionne pour un peintre, Diego de Rivera. Il est aussi énorme qu'elle est fluette. Elle l'aimera d'un amour inconditionnel (au sens littéral du terme) et infini jusqu'à tous les extrêmes. Elle l'aidera, le supportera (à tous points de vue), acceptera tout de lui et pour lui. Elle s'effacera pour le laisser dans la lumière et les regards. Elle continuera à peindre, bien sûr, mais toujours dans l'ombre de son titanesque mari. Quand ses œuvres à elle sont mises à l'honneur, elle n'y croit qu'à moitié au début, persuadée qu'elle est qu'elle doit tout, dont son talent à son époux qui la fait tant souffrir. C'est de la souffrance qu'elle tire le plus d'inspiration d'ailleurs, et c'est dans les moments tristes de sa vie qu'elle est la plus productive.


« La peinture est devenue monumentale, accessible et édifiante, elle donne aux analphabètes le droit de lire leur histoire nationale, aux pauvres, le droit de vibrer gratis, à tous, leurs racines indiennes sublimées. »

Son chemin croisera celui des plus grands, de Cocteau à Duchamp (à peu de temps près, elle aurait pu côtoyer Gabriële Picabia d'ailleurs...) en passant par Breton, Picasso et Dora Maar. Elle sera par ailleurs une œuvre d'art en personne, séduisant et hypnotisant ses interlocuteurs, hommes et femmes, sans distinction.


Claire Berest nous offre un portrait absolument magnifique de cette artiste dont tout le monde semble connaître le nom mais ni les œuvres ni, surtout, la vie, les malheurs, la pugnacité, l'amour. Ce sont les couleurs qui chapitrent ce roman, mais ce sont les émotions qui lui donnent le plus de saveur, d'après moi. On souffre avec Frida, on aime avec Frida, on réfléchit et on doute avec elle. On est plongé dans ses tableaux : ceux qu'elle admire, ceux qu'elle peint. L'auteure a une capacité fabuleuse de description qui nous plonge dans le tableau, qui nous le fait voir, avec la magie et la maîtrise des mots.

Je sors de cette lecture grandie de connaissances sur une grande artiste et encore plus séduite par l'écriture de Claire Berest. A lire si vous aimez l'art, si vous aimez le courage, si vous aimez l'amour...


« En vérité, rien n'a de couleur devant mes yeux, si je ne partage pas les visions avec toi, c'est un gris qui s'abat, et qui étouffe même les chants des perroquets...»


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