Thomas Cantaloube
Les trois personnages qui se sont connus pendant Requiem pour une République, dans le Paris de Papon en 1961 puis retrouvé au Cameroun quelque temps plus tard dans Frakas, vont de nouveau se croiser et voir leurs trajectoires se retrouver, dénonçant ainsi les manipulations politiques en vigueur sous De Gaulle. Une plongée dans un passé inconnu et pas très glorieux de la France qui commençait (enfin) à se réveiller…
« Fuck you était la plus belle répartie de la langue anglaise, à condition d’être le premier à la prononcer et de s’y cramponner avec fermeté. »
Mai 1967. Le soleil brille sur la belle Guadeloupe. Luc Blanchard s’est installé avec sa compagne sur cette île et de leur amour est né une petite fille. L’ancien flic fait quelques piges pour le journal France Antilles et la belle Lucille tient une petite entreprise sans prétention. La vie n’est pas toujours facile mais ils sont heureux. Jusqu’à ce jour de mai où la révolte qui menaçait depuis quelque temps éclate pour l’insulte de trop. Les guadeloupéens se rebellent contre leurs conditions de vie, sur le régime colonialiste qui persiste sur ce département d’outre-mer qui n’a de Français que le statut administratif, sans les avantages des métropolitains.
Lors des affrontements, Lucille tient à porter secours aux manifestants. Alors que son cousin est tué par balles, elle est repérée par les forces de l’ordre comme faisant partie du GONG, un groupe indépendantiste qui revendique plus d’équité. Elle est arrêtée et incarcérée à Paris pour y être jugée avec 18 autres prévenus, loin de chez eux. Luc rejoint la métropole pour suivre sa compagne, la soutenir, et mener l’enquête sur les donneurs d’ordres et les secrets d’état liés aux émeutes de cette funeste journée de 1967.
En parallèle, Antoine Lucchesi, le bandit corse, se trouve mouillé dans une affaire de blanchiment d’argent sale entre la Guadeloupe et la Jamaïque, tandis que Sirius Volkstrom, le mercenaire, fricote avec la CIA pour recruter des agents anti-Castro avant de rejoindre les troupes de son vieil ennemi - Deogratias - pour mater la rébellion qui menace en métropole.
« A prendre les événements à la légère, on s’épargnait les ulcères et les désillusions. »
Troisième et dernier tome d’une série entamée avec les manifestations pour la décolonisation de l’Algérie en 1961, Mai 67 revient sur des événements qui ont marqué la Guadeloupe un an avant les émeutes étudiantes à Paris (et dans le monde entier) qui ont finalement poussé le Général vers la sortie. En trois romans, Cantaloube retrace sept années de manipulations, de magouilles et de secrets d’état qui ont marqué le pays, mais pas tant que ça. Peu d’informations pour ceux qui ne se penchent pas sur le sujet et on tombe des nues en apprenant que le gouvernement aurait monnayé la morts de Guadeloupéens pour saper leur rébellion, somme toute légitime, pour plus de considération en tant que Français. Les puissants ayant décidé de conserver des territoires outre-mer, il aurait été de bon ton de leur accorder les mêmes privilèges qu’à la métropole, mais non. Le régime colonialiste battait encore son plein et hors de question de considérer ces noirs comme les égaux des blancs. Quant à ceux qui avaient l'outrecuidance de réclamer plus de justice et d’équité, ils étaient considérés comme des séditieux cherchant à mettre le feu aux poudres.
Une nouvelle fois bien documenté, et sous couvert d’aventures entrecroisées de trois personnages que tout oppose mais qui se retrouvent (une fois encore), Thomas Cantaloube dresse un portrait glaçant d’un pouvoir corrompu et vieux jeu. Les Gaullistes n’étant pas prêts à vivre dans une période de paix si longue et la nouvelle génération avide de progrès réels et de modernité. Pour que tout cela finisse par les évènements que l’on connaît et qui ont profondément marqué le pays. Un dernier opus non moins fort que les précédents, dans ce qu’il s’attarde davantage sur les conséquences que sur les actes en eux-mêmes. Une belle conclusion aux aventures de Blanchard, Lucchesi et Volkstrom.
« On enseigne aux enfants guadeloupéens que tous les milieux sociaux peuvent produire de grands hommes, mais les grands hommes dont on leur parle ne sont jamais que des Blancs. alors l’enfant se dit qu’il n’y a pas de nègres intelligents. »
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