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Les chiens de Détroit

Jérôme Loubry

« La vérité n’est qu’un voile de brume. »

Il paraît que lorsqu’on aime, on ne compte pas. Alors après trois voyages en compagnie de Loubry, je m’offre une dernière virée avec lui dans la ville désolée (et désolante) de Détroit. Et quelle virée !


« cette ville n’a même plus assez d’habitants pour jouir de sa violence !»

17 mars 2013. Il pleut sur Détroit et sur ce qu’il reste de ses maisons abandonnées. Une arrestation est sur le point d’avoir lieu. Sarah, Stan et leurs coéquipiers mènent l’enquête depuis longtemps et s’apprêtent à appréhender le Géant de Brume, un tueur d’enfants qui a sévi en 1998, semant les cadavres des enfants comme des petits cailloux, avant de revenir plusieurs années plus tard s'attaquer aux gamins de Motown. Stan s’est ruiné la santé (et le foi) sur cette enquête, alors que Sarah venait juste d’intégrer le 12ème district de la ville. Après cinq meurtres, plus rien. Plus de morts, plus de disparitions. Juste Stan et son échec.

Quinze ans plus tard, donc, deux enfants disparaissent coup sur coup. Le commissaire charge Sarah de l’enquête, elle qui n’en veut pourtant pas. Le rapprochement est fait avec l’affaire de 1998 et la jeune inspectrice se retrouve vite obligée de travailler avec celui qui n’a pas résolu l’énigme et qui tient à prendre sa revanche. En quelques jours, ce sont sept enfants qui sont portés disparus. A mesure que l’étau se resserre autour d’un éventuel coupable, on en apprend toujours plus sur Stan, sur Sarah, sur le Géant de Brume et sur ce qui les lie les uns aux autres, de gré ou de force.


«… pour s’attaquer à des enfants, il fallait une raison bien plus compliquée. La découvrir revenait à expliquer l’origine même du mal.»

J’avais été agréablement surprise par la précédente lecture, De Soleil et de Sang, par la maîtrise de l'environnement, la capacité à faire ressentir le lieu, l’ambiance. Il en va de même avec cette immersion dans Détroit. Ville immensément riche il y a quelques dizaines d’années, elle a subi de plein fouet la crise économique en général et les Subprimes en particulier. Ce qui en fait une des cités les plus criminelles des États-Unis. La baisse des budgets et des effectifs liés aux secours et à la sécurité en fait le terrain idéal pour mener à bien des trafics et des actions malveillantes. On ressent cela de plein fouet dans les pages de ce polar. L’enquête est prenante car on ne voit pas où veut en venir l’auteur, on se laisse prendre dans les filets de l’investigation et perdre dans les quartiers en désuétude ; on n’est même pas surpris de la violence des agents, conscients de leur manque de moyens et de leurs frustrations. Les personnages sont attachants, même dans leur dépression. On ne peut qu’admirer leur combativité.


« Le claquement sec et définitif de la serrure fouettait tout retour en arrière comme tout futur probable.»

Reste une interrogation et non des moindres : quel est le problème de l’auteur avec les enfants ? Parce qu’à bien y regarder, c’est le quatrième roman que je lis de lui et dans tous, les victimes sont des mineurs. Des survivants de guerre, des enfants malades, des orphelins vendus, et ici des jeunes livrés à eux-mêmes dans une ville en perdition. N’est-ce pas un moyen d’exorciser ses peurs les plus profondes que de les exprimer dans ses romans ? J’ai l’intime conviction que l’écriture a un pouvoir thérapeutique pour l’écrivain qui s’évite de longues et onéreuses séances chez un(e) psy. Mais je pense aussi qu’il est fortement déconseillé de lire toute la bibliographie de Loubry d’un coup si on ne veut pas être étouffé par l’angoisse. Parce que même s’il n’y a pas ici de scènes vraiment traumatisantes, on touche tout de même à ce que nous avons de plus précieux : nos enfants. Et l’auteur de démontrer avec brio jusqu’où on peut aller pour protéger ceux qu’on aime mais aussi ceux dont on se sent responsable.

Un vrai bon moment de lecture donc, qui confirme, si besoin était, que Loubry est un auteur à suivre avec attention !


« Comme pour toute douleur, trouver un coupable, ne fût-ce qu’une nouveau-née, aide à surmonter la souffrance.»

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