Réflexion autour de ces coffres aux trésors qui pullulent un peu partout et qui nous réserve parfois de bonnes surprises, à condition que tout le monde joue le jeu !
“Un livre, c’est un navire dont il faut libérer les amarres. Un livre, c’est un trésor qu’il faut extirper d’un coffre verrouillé. Un livre, c’est une baguette magique dont tu es le maître si tu en saisis les mots.” M. Bouthot.
Je fais régulièrement un tour sur mon site pour mettre à jour mes retours de lectures, mais je me rends compte que cela fait maintenant plus de trois mois que je n’ai pas livré de réflexion livresque, et ce n’est pas faute d’avoir eu des idées… Le temps manque, les concepts se suivent et ne se ressemblent pas, il faut faire le tri dans ce qui vaut le coup d’être dit ou non.
Et en l'occurrence, il y a eu une succession de petits faits, ces dernières semaines, qui m’ont aidée à construire un argumentaire.
Comme beaucoup de monde, j’ai été en vacances. En fait, je suis revenue il y a déjà trois semaines mais, comme dit plus haut, le temps a ses raisons…. bref, je regarde les photos de ces presque quatre semaines au trois coins de la Bretagne (oui, il n’y a que trois coins dans ma Bretagne!) et je vois beaucoup de livres : des stands de marchés, des bookticaires (ce mot existe-t-il ? je ne sais pas mais je l’aime bien), des librairies, et bien sûr, des boîtes à livres. Beaucoup de boîtes à livres. C'est un concept qui se développe de plus en plus et qui plait. Plébiscitées, entretenues, aimées et recherchées, ces box que l’on trouve un peu partout regorgent de pages et de mots, de papier et d’encre… Si certaines sont régulièrement vidées, d’autres ne désemplissent pas. Les tailles, les formes et les couleurs sont variables, mais l'objectif est toujours le même : éviter l’autodafé et partager, faire profiter aux autres de lectures que l’on a (ou pas) aimées, faire vivre le livre comme il nous fait vivre, le faire voyager comme il nous permet de voyager.
“Il y a certainement plus de richesse en un seul livre que dans tout le butin rapporté par les pirate de l’île au Trésor.” W. Disney
Hasard ou coïncidence, la question de ces boîtes a été abordée deux semaines d’affilée dans la newsletter Bibliobs, dans deux chroniques distinctes. Un constat et une réponse.
Le premier édito, daté du 15 juillet et signé Rémi Noyon, dresse un portrait pas très reluisant de ces “micro-bibliothèques” comme il les appelle. Selon l’auteur, on y met des livres qu’on ne veut pas jeter, des livres qui nous encombrent parce qu’on ne les aime pas, mais que de toute façon, personne n’aime. Des ouvrages datés, périmés, abîmés. des annales d’épreuves du bac des années 90, un livre de cuisine qui a fait son temps. Il n’aime pas ça Rémi, et ça se sent. Il avance la théorie selon laquelle ces boîtes à livres sont des boîtes à merde qui permettent de déculpabiliser ceux qui y laissent des ouvrages de piètre qualité et que ces coffres, apparus pour la première fois en Allemagne dans les années 1990 sont une dérivation de poubelles : on y jette les ouvrages pour ne pas les mettre à la benne.
La semaine suivante, dans la newsletter de l’hebdo, une réponse d’Arnaud Gonzague. Son argumentaire tient dans l’idée que le livre est un objet comme un autre, qui a une vie et “subit”, si je puis dire, la mode du turn-over, de la seconde main. L’objet livre n’est plus stocké systématiquement mais voyage. Il est acheté (ou pas), chiné, trouvé, lu et puis reposé, laissé aux bons soins d’autres mains et d’autres yeux qui le verront, l’aimeront et le confieront à leur tour, peut-être même à d’autres endroits.
J’ai pour ma part un rapport, comment dire, boulimique à la lecture et au fait de posséder l’objet livre. Il y a un mot en japonais, Tsundoku, qui signifie qu’on accumule les livres pour les lire plus tard. De la procrastination de lecture, en quelque sorte, avec un besoin de possession plus que de lecture en tant qu’action. Je ne suis pas complètement concernée car, même si j’ai une bibliothèque très très bien fournie, je lis. Beaucoup. Trop ? Là n’est pas la question. L’important c’est ce qu’on trouve en cherchant. Et on trouve effectivement parfois des pépites, parfois des merdes, pour reprendre les mots de Rémi Noyon. Mais aussi des livres épuisés et des premières éditions. Des ouvrages qu’on cherche partout dans les librairies, les bibliothèques et sur Internet sans les trouver (ou à des prix exorbitants).
J’en veux pour preuve ces deux expériences personnelles, assez représentatives non seulement de mon attachement pour le concept de boîte à livres mais également à celui de la valeur et de la richesse qu’elles peuvent avoir.
“Dans toute bibliothèque patiente un livre qui ouvre la porte du voyage.” S. Dulier
Il y a environ deux ans, une de mes meilleures amies, sachant que je fouine beaucoup dans l'univers merveilleux des livres, me dit qu’elle cherche un récit intitulé “Le seize octobre”, écrit par le couple Villemin à la suite de la mort de leur fils Grégory. J’ai cherché absolument partout, elle aussi. Impossible à trouver. Jusqu’à… la boîte à livres de ma commune. Un mois après avoir été missionnée et alors que j’avais passé un temps infini sur le net, dans les boutiques et les étals partout où j’étais allée, de Paris à la Bretagne (oui, j’y passe beaucoup de temps), je l’ai trouvé, dans ma mairie du fin fond de l’Essonne. Peut-être que ça n’a l’air de rien, mais pour mon amie, c’était tout. Elle le voulait tellement ce bouquin ! Et de mon côté, je me suis dit “encore une victoire de Canard” (oui, on se congratule comme on veut). Ce récit inaccessible l’était tout à coup devenu, accessible.
L’été d’après, au-dessus de l’Aven, à Pont-Aven (toujours en Bretagne donc), une belle cabane. Un lieu idyllique pour farfouiller sur les quatre étagères. C’est petit, c’est cosy, c’est joli, et c’est bien fourni (et c’est bleu, parce qu’on est dans le Finistère, après tout). Là, m’attendait sagement une première édition française de “Et pour qui sonne le Glas” d’Ernest Hemingway. Comment dire. C’était Noël en Juillet. C’est un moment comme on aime en vivre, trouver un trésor alors qu’on ne s‘y attendait pas.
Voilà ce que l’on trouve dans les boîtes à livres, aussi. Des bonheurs à savourer seuls ou à partager.
Mon lien viscéral à l’objet livre est en train de subir une transformation. Est-ce que je prends de l’âge ou bien prends-je conscience qu’à un moment donné, je n’aurais plus de place ? Une chose est sûre, comme je suis une personne honnête, lorsque je prends un livre quelque part, je me donne pour règle d’en remettre un. Pas forcément au même endroit, mais au final, le plus important, c’est encore de permettre à tous d’avoir accès à la lecture et à ses plaisirs. C’est aussi permettre au livre de voyager et de propager sa bonne parole, son message. J’aime l’idée que l’objet ait une âme et soit aussi heureux d’être aimé et lu que nous avons de plaisir à l’aimer et à le lire.
"Le temps de lire est toujours du temps volé. C'est sans doute la raison pour laquelle le métro se trouve être la plus grande bibliothèque du monde." F. Sagan
Il y a 20 ans, déjà, j’avais trouvé dans le RER un exemplaire de "Véronika décide de mourir” de Paulo Coelho, avec un petit mot à l’intérieur, disant que ce roman bouleversant et plein d’espoir devait profiter à un maximum de personnes et qu’il fallait, après l’avoir lu, le laisser repartir. J’ai trouvé le roman assez bon, c'est vrai. Mais ce qui m’a le plus plu, c’est la poésie du concept de la transmission, de la propagation de la bonne parole comme dirait l’autre.
Aujourd’hui, j’ai 40 ans (aïeuh !), environ 1200 livres dans mon bureau (je n’ai pas le droit d’en mettre ailleurs dans la maison, sauf les livres de recettes) et je ne sais combien de livres numériques (parce que ça pèse moins lourd quand on part en vacances). Et même si je suis toujours autant attachée à mes bouquins, je suis aussi capable de m’en séparer (un peu) plus facilement. Disons que j’y travaille activement. J’accepte même d’en prêter quelques-uns (à des personnes de confiance).
Participer à la promotion de la lecture et en faciliter l’accès, même dans les parcs à punks. On se fout de qui tombera sur “Véronika décide de mourir”, “Le 16 octobre” ou “Et pour qui sonne le glas”. Le plus important c’est qu’ils soient trouvés, lus, aimés et qu’ils continuent à témoigner, à voyager, à aimer et à être aimés !
“La lecture, une porte ouverte sur un monde enchanté.” François Mauriac
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