Grégoire Bouillier
« Rien n'est plus beau et intense que l'amour naissant. Absolument rien. »
Où en étions-nous ? Ah oui, Julien s’est suicidé et l’auteur de faire le lien entre la mort de cet homme qu’on ne connaissait pas et son amour sans limite, intense et destructeur de - M -.
Ainsi commence le tome 2 du Dossier M. Il est grand temps que nous fassions la connaissance de la fameuse demoiselle. La cause de tout ce bordel.
« C'est sûr que le monde ne tourne pas autour de ma petite personne. Il le devrait pourtant. Il ne sait pas ce qu'il perd. »
Cette ombre qui était passée derrière le narrateur, alors qu’il prenait un café à la machine Illico dans les locaux de son travail. Cette ombre donc, ce courant d'air, c’est une jeune femme de seize ans sa cadette. Elle va faire un stage au service marketing de son entreprise. Elle vient se présenter. Ce qui ne devait durer qu’un court instant va se prolonger sur trois courtes heures. Et ces trois heures vont être décortiquées, analysées, disséquées pour que le lecteur comprenne bien la profondeur des sentiments naissants.
Tout y passe pendant ces trois heures : du soleil se réfléchissant dans le bâtiment d'en face et éclairant le bureau de l'auteur à la situation psychologique, physique et financière de la jeune femme, En passant par son portrait chinois et son rapport à l'argent.
Le narrateur est subjugué. Irrémédiablement attiré, et rien des handicaps et des freins qui se présentent entre eux ne peut entamer son enthousiasme. Il est dans l'autosuggestion du début à la fin, il cherche à se rassurer, à se rappeler que tout cela est réel : les trois heures de discussion, les messages échangés, les mots prononcés, et à la fin Julien s'est suicidé avec sa ceinture à la fenêtre de sa chambre.
« Notre amour n'est pas seulement un amour, mais une œuvre qui embellit le monde. »
Est-ce que je m'habitue ? Est-ce que je suis plus... rodée ? Ou bien le sujet de l'amour naissant m'est-il plus sensible ? Je ne me suis pas sentie dans ce Bleu comme j'ai été dans le Rouge (et je ne parle pas du dossier Marcelle). En même temps, les deux couleurs primaires ont fâcheuse tendance à se confronter, ce qui peut expliquer que l'approche et le contenu m'ont paru si différents. Mais pas le ton. Pas la capacité à partir dans tous les sens. Pas les digressions. Pas les parallèles, les rêves, les délires, les peurs. Dans la première partie, j'étais dans la découverte d'un style, d'un univers, d'une approche. Ici, c'était davantage comme un second rendez-vous. J'avais déjà eu la surprise de la rencontre et c'est en toute connaissance de causes (et de choses), que je me plongeais dans le Bleu de - M - (et du narrateur, qui m'intéresse beaucoup plus, on ne va pas se mentir !).
« On ne sait jamais si on aime avant de le découvrir - et il est trop tard ensuite ! »
Ce qui est rarissime s'est produit ici : j'ai post-ité, j'ai annoté, j'ai écrit dans le livre (et non pas seulement à côté) pour me rappeler, lors de notre hypothétique discussion, que j'étais - ou non - d'accord avec lui. Parce qu'on en est toujours là : il s'agit d'un homme qui tombe amoureux et que cette chute fait réfléchir. A beaucoup de choses. Et qui nous entraîne avec lui dans les arcanes de ses pensées et de son cerveau, même si cela veut dire s'éloigner du point de départ, se perdre, s'énerver, s'embrouiller, se poser et repartir en ayant fait un lien qui ne l'avait pas effleuré à l'instant T mais qui s'impose à lui une fois qu'une prise de recul est faite, à force de se perdre. Comme avec Rouge, j'ai eu des moments de découragement, mais ils n'ont pas duré et n'étaient pas dus à l'ennui mais plutôt à la peur d'oublier ne serait-ce qu'un tout petit peu du trésor dont regorgent ces 539 pages.
« chacun est sa propre échelle de mesure et aussi minime soit l’enfer qu'il a traversé, il est tout l'enfer à ses yeux. »
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