Magda Szabó
En vacances, au bord de la piscine, je ne peux m’empêcher de regarder ce que lisent les gens. La belle couverture de ce livre m’a attirée, la lectrice me l’a gentiment offert ouvrant la porte à une découverte.
« On sait parfois par intuition quelle fleur pourrait être quelqu’un, s’il était né fleur »
Magda Szabó est une auteure hongroise. Pendant vingt ans, elle a employé Emerence, une femme plus âgée, plus acariâtre, plus pugnace, plus forte et, d’une certaine manière plus sage et plus intelligente que la narratrice. Tout les oppose et la domestique n’a de cesse de le rappeler à l’écrivaine. Mais il s’instaure entre les deux femmes un amour profond, un respect et une sorte de déférence mutuelle. Sur le mode de l’amour vache, quand même, de ces amours qui nous font dire les pires méchancetés parce que seuls ceux qui comptent le plus pour nous peuvent les supporter. De la rencontre à la mort d’Émerence, tout y passe : les secrets que la vieille femme accepte de livrer au compte-gouttes, son passé trouble, sa place dans la communauté, sa haine du clergé, de la politique et des intellectuels, son amour pour les animaux... Des clivages naît la réflexion et c’est pas à pas que Magda va apprendre ce qui se cache sous cette carapace…
« … l’affection ne peut s’exprimer de manière apprise, canalisée, articulée, et je n’ai pas le droit d’en déterminer la forme à la place de quelqu’un d’autre ».
Figure majeure de la littérature hongroise, mondialement reconnue à partir du début des années 2000, Magda Szabó nous livre ici un récit intime et poignant : celui de son amitié avec sa domestique, de son attirance pour celle qui lui est - à tous points de vue - diamétralement opposée. Femme de lettres, elle est mise face à ses manquements, ses hypocrisies, la futilité de sa vie de la plus violente des manières.
Le style d’écriture est fluide, on vit avec la narratrice les frustrations, les colères, la culpabilité que fait naître la vieille dame. On a envie d’en savoir plus, de mieux les connaître, de leur chercher des excuses à toutes les deux.
A travers le portrait de la mère courage, on a la sensation que l’auteure fait une sorte de mea culpa : je ne suis pas manuelle, je ne suis pas forte, je ne suis pas courageuse.
Mais avouons-le, ce qui attendrit les 200 premières pages finit par agacer au bout d’un moment. Parce que l’intolérance de la vieille la rend à la fois méchante et capricieuse. Sa vie n’a certes pas été facile mais faire peser la culpabilité sur Magda, ça va bien un temps, après ça soule. Émerence me fait penser à ces vieux qui voient la vie avancer et qui tirent en arrière, tout en vitupérant contre ceux qui suivent le mouvement. Elle reproche beaucoup de choses qui ne sont que normales, et prend pour naïveté et lâcheté ce qui n’est que progrès.
J’ai trouvé au début du roman une certaine similarité d’écriture avec celle de Ferrante mais la répétition de la culpabilisation de la narratrice m’a quelque peu gâché ce plaisir avant de l’annihiler complètement. Je n’en veux pas à l’auteure, non. J’en veux à cette vieille femme qui lui fait croire qu’elle vaut moins, qu’elle est faible et que sa vie est moins précieuse car intellectuelle.
Je finis enfin le livre. Je réussirai peut-être à me débarrasser de la colère qui a accompagné les 150 dernières pages…
« … La création relève d’un état de grâce, il fait tant de choses pour que cela réussisse, impulsions et sérénité, paix intérieure et émotions stimulantes, à la fois douces et amères… »
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