Marjan Kamali
« … la vie sait comment briser les rêves, les plans, les idéaux »
Je me suis, pour la seconde fois, laissée entraîner dans une lecture commune. Je n’avais aucun autre élément que le titre de l’ouvrage, plein de promesses. Ont-elles été tenues ?
«… La jeunesse, qui aime, si passionnément, n’a pas idée de la laideur du monde. »
En août 1953, Téhéran a vécu un coup d’état qui a changé radicalement la vie du pays. Quelques mois avant les attentats, Roya et Bahman, adolescents de 17 ans, se rencontrent dans « la librairie de Téhéran ». Sous couvert de la surveillance toute relative du propriétaire des lieux, Monsieur Fakhri, leur amour nait et s’épanouit jusqu’à ce qu’ils soient tous les deux suffisamment épris l’un de l’autre et décident de se marier. Malgré la différence de classe sociale et les desiderata de la mère du jeune homme, dépressive et exigeante, les jeunes gens sont décidés. Ils s'aiment, ils sont faits l’un pour l’autre. Rien ne pourra leur faire dévier de leur trajectoire commune. Au rythme des événements historiques, sociaux et politiques de l’Iran de 1953, c’est bien plus qu’un amour adolescent, qu’une simple passade, qui se développe sous nos yeux.
Mais, comme on s’en doute, rien ne se passe comme prévu...
Roya, s’envole alors pour les États-Unis, où son père est persuadé qu’elle pourra s’épanouir en tant que femme, en tant que citoyenne, en tant qu’américaine. Elle y construit sa vie, au début, sans vraiment y croire, et pourtant…
C’est en 2013, soit 60 ans après leur séparation, que les chemins de Roya et de Bahman se retrouvent, comme s’ils ne s’étaient jamais quittés. Et tout revient : les souvenirs, les regrets, les remords et cet amour qui ne les a jamais vraiment laissés en paix.
« Il n’y avait pas de place pour le rêve, quand les vies avaient été planifiées. »
La librairie de Téhéran est avant tout, il faut bien l'admettre, une histoire d’amour. Un garçon, une fille, une librairie, pas vraiment de chaperon, et ce qui devait arriver arrive : ils tombent amoureux. Ils se perdent, ils se retrouvent bien plus tard, dans un autre pays, après avoir, chacun, vécu leur vie.
Toute la richesse de ce roman réside, pour moi, dans le contexte historique du coup d'État de 1953 et des quelques semaines qui l’ont précédé. On y découvre un Iran où, même si les libertés n’étaient pas les mêmes que partout ailleurs dans le monde, étaient de toute façon plus grandes que celles de ce même pays aujourd’hui, en 2022. A la lumière de l’actualité actuelle, il est passionnant de se replonger, 70 ans en arrière, quand les femmes pouvaient se promener dans la rue, cheveux au vent… Mossadegh, alors premier ministre, menait une politique progressiste, engagée, prônant la libéralisation et la laïcité. Malheureusement, le pouvoir du pétrole et la mainmise des occidentaux ont tout fichu en l’air, remettant le Shah et ses acolytes au centre du pouvoir.
J’ai amèrement regretté de ne pas passer davantage de temps en Iran et de me retrouver si rapidement avec Roya aux États-Unis. Le contraste entre les deux pays est tel qu’il est aisé de faire croire que la vie en Californie était paradisiaque, ce qui n’était pas forcément le cas à la fin des années 50.
L’auteure aurait pu, de mon point de vue, creuser davantage la situation persane et nous en apprendre encore plus sur l’Iran, plutôt que de nous emmener de l’autre côté de la planète.
Autant j’ai absolument adoré la première partie, j’ai été profondément émue par l’issue du roman, autant je ne me suis pas retrouvée dans les années américaines de Roya, pour ne pas dire que je me suis ennuyée.
Ceci dit, il faut reconnaître à ce récit qu’il a suscité en moi une très grande curiosité et qu’il a attisé mon appétit de connaissances. C’est une porte ouverte à une nouvelle obsession, l’Histoire de l’Iran.
« Le passé n’était jamais très loin, rôdant dans les recoins de votre mémoire, vous rappelant à l’ordre, quand vous pensiez avoir tourné la page. »
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