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Gabriële

Anne & Claire Berest


« Ce fut notre gageure de déterrer quelqu’un qui voulut rester dans l’ombre. »

J’ai lu Anne d’abord. Grosse claque avec cette Carte Postale envoyée du passé. Très rapidement, j’ai voulu faire connaissance avec Claire et ses Artifices tout en couleurs et en rebondissements. Il me paraissait logique de me lancer dans leur œuvre commune et magnifique, “Gabriële”.


Ce récit n’est pas un roman, c’est une biographie. Celle de l’arrière grand-mère des sœurs Berest. Gabriële est une femme forte, intellectuellement stimulée et stimulante. Elle irradie d’une intelligence rare qui permettra à ceux qui l’entourent de réveiller et de révéler le meilleur de leur art. De Marcel Duchamp à Guillaume Apollinaire, en passant bien évidemment par son mari, Francis Picabia, elle les élèvera tous.

La jeune fille est d’abord une rebelle, dans la société de la fin du XIXème siècle et le début du XXème. Elle est musicienne, elle voit la musique, elle la sent. Elle se battra contre les conventions et sa famille pour étudier cet art, d’abord à Paris, puis à Berlin. Mais son chemin croise celui d’un jeune peintre d’origine Espagnole qui lui ravira toute envie de retrouver l'Allemagne. Elle est subjuguée par ce qui naît de leurs échanges, de leurs conversations, par la richesse, la beauté et l’anticonformisme de ce qu’ils tirent de leur association, de leur amour. Francis est fantasque, exubérant… maniaco-dépressif. Gaby le connaît, l’aime, le gère, le manage, l’accompagne et supporte tout par amour pour lui. Même leurs enfants subiront l’abandon au profit du père, une mère qui n’en est pas vraiment une, puisque son fils à elle, son œuvre si l'ont peut dire, c’est Francis.


« Mon art serait de vivre ; chaque seconde, chaque respiration est une œuvre qui n’est inscrite nulle part, qui n’est ni visuelle ni cérébrale. C'est une sorte d’euphorie constante. »

Dans ce livre écrit à quatre mains, j'ai cherché les traces laissées par chacune des auteures. Celles d’Anne : la méticulosité de l’enquête, des recherches historiques, le souci du détail, le lien à leur propre maman, présente en toile de fond, héritière d’un passé fantasque et fantastique, artistique et éblouissant… Lélia n’a pas nié ce passé, mais pas non plus vraiment revendiqué. Elle l’a juste tu.

Mais aussi le ton parfois désinvolte et les éclats de Claire. Des dialogues, des descriptions pleines de couleurs et d’émotions, la connaissance de l’art et de ses subtilités. La danse des sens, des sensations, et les questions sur les rapports humains dans ce qu'ils ont de plus extrêmes : de la beauté à l'abandon


«… Cette Amérique faussement puritaine recourt aux plus bas instincts pour recruter de la chair à canon. »

Je ne sais pas comment mieux définir cet ouvrage, si ce n’est que ce destin de Gabriële Buffet m’a donné envie de découvrir ces œuvres et ces artistes que cette femme a magnifiés !

La maîtrise des sœurs Berest est incontestable. Leur symbiose dans l'écriture, la fluidité des mots qui font oublier que ce n'est pas une mais bien deux têtes, deux cœurs, deux âmes qui se sont siamoisées pour accoucher de ce récit à lire absolument !




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