Gregory Le Floch
« Parler reviendrait à mourir, car parler signifierait revivre cet instant… »
Dans une maison en bordure de forêt, un jeune homme sent monter en lui une crise d’angoisse qui le pousse à sortir de lui, à prendre le chemin qui le mènera en haut du hameau de Hardt, chez son ami et voisin, le bienveillant Richter. Ce dernier est le seul à pouvoir calmer le narrateur. Ils parlent de Thomas Mann, de littérature, de tout et de rien, surtout de rien de profond, de dur, de violent.
Christophe a fui Paris et rejoint l’Allemagne pour trouver un peu de tranquillité après un grave incident qui s’est déroulé sur une route d’Italie, avec son ami Anthony. Entre deux crises, deux logorrhées, on apprend que notre narrateur est revenu seul de cette route de Calabre, cette route bordée de cactus où Anthony a voulu baiser.
Caché dans cette forêt et dans l’ombre de sa maison en bas du hameau, il n’en est pas moins retrouvé par la mère de son ami, la même qui l’a poursuivi, l’a harcelé pour savoir ce qu’il s’était passé lors de ce funeste après-midi. Elle qui l’a condamné, qui lui a envoyé la presse et la police, cherchant à savoir ce qui avait coûté la vie à son fils chéri. Madame Jouve n’a pas lâché donc, et a fini par retrouver Christophe. Mais dans cet environnement vierge de tout souvenir et devant l’attitude désordonnée et perdue de celui qu’elle prenait pour un coupable, elle change drastiquement de comportement et décide de s’installer chez lui.
Cette cohabitation silencieuse d’une dizaine de mois va aboutir à des conséquences inattendues et salvatrices, pour l’un comme pour l’autre, offrant l’inspiration à Christophe et l'apaisement à la mère d’Anthony.
« A mon retour chez moi, je sus que la prochaine fois que j’irais chez Richter serait pour lui demander de m’aider à me suicider»
Alors euh… on ne va pas se mentir, ce n’était vraisemblablement pas le bon moment pour moi de lire ce roman de Grégory Le Floc que j’avais découvert l’an dernier avec Gloria Gloria (déjà dérangeant). Le rythme oppressant a le mérite de faire ressentir physiquement au lecteur le mal-être du narrateur. On manque d’air, on se perd dans les phrases à rallonge et les pensées désordonnées. On ne sait pas où on va ni pourquoi. On ne sait pas ce qu’il s’est passé en Italie, on le découvre petit à petit, mais le vertige est là, il faut s’accrocher pour ne pas tomber.
Heureusement que ce n’était pas plus long, en vrai. C’est riche, c’est dense, mais c’est un sacré bordel quand même. D’ailleurs, j’ai repensé à plusieurs reprises au roman énorme Les Lionnes de Lucy Elmann qui retranscrit exactement les pensées d’une mère de famille, avec tous les tours et détours que peuvent emprunter les réflexions, parfois sans fil conducteur, sans réel lien, sans cohérence.
Ce n’est qu’une fois le livre terminé qu’on comprend, qu’on remet tout en ordre et qu’on peut ressentir l’empathie au lieu de l’agacement de la lecture. C’est une fois le puzzle assemblé que l’horreur de ce que Christophe a vécu nous paraît et qu’on lui accorde la sympathie qu’il mérite, qu’on assimile ce qu’il a enduré et qu’on lui accorde non seulement le pardon mais également la compassion qu’il mérite.
Le mauvais moment donc… pas le mauvais roman.
« ces mots me tueraient non pas littéralement, je l’ai dit, mais ils me tueraient quand même définitivement.»
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