Richard Malka
« Croire en l’existence d’une force supérieure, c’est une chose, vouer sa vie à un dieu maniaque et tatillon (...), c’en est une autre..»
Un auteur, une nuit, un lieu. Richard Malka, écrivain, avocat engagé, a décidé de passer sa nuit au musée au Panthéon, en compagnie des Grands Hommes, et en particulier de Voltaire, fervent défenseur de la raison, de la liberté d’expression et anticlérical de compétition. Pendant toute une nuit, alternant entre l’étage et la crypte de ce qui a été une église puis un des plus grands symboles de la République, Malka se livre à l’homme de lettres du XVIIIème. Il l’interroge et l’interpelle sur la société d’aujourd’hui, une société dans laquelle le principe de laïcité est dans la constitution mais tellement mal expliqué qu’il est souvent associé à l’irrespect. [Pour rappel, la laïcité est le principe de séparation de la société civile et de la société religieuse]. La religion prend de plus en plus de place et nous avons de plus en plus peur d’affirmer notre laïcité, notre modération ou notre athéisme, sous prétexte que ce serait un manque de respect pour les communautés religieuses. Et c’est à ce titre qu’on justifie les meurtres de dessinateurs, de professeurs, de policiers, d’enfants même. Dans le pays des Droits de l’Homme et de la liberté d’expression, les droits vont à ceux qui font peser la peur et la liberté d’expression doit se contraindre à respecter des principes qui ne sont pas ceux de la République.
C’est tout cela que déplore Malka (et moi avec lui). En une nuit, il revient sur la violence imposée par la Foi et les croyants qui, au nom d’une religion, renoncent à la liberté, quelle qu’elle soit. Il dénonce les extrémismes qui jouent sur les amalgames. Il met les pieds dans le plat et il y patauge pour faire bouger les lignes et rappeler que, dans le pays des Lumières, nous ne devrions pas craindre l’ombre de(s) dieu(x), puisque ce(s) dernier(s) ne devrai(en)t pas avoir leur place sur la voie publique, surtout quand, sur la route, il y a des vies humaines.
« la laïcité est une mise à distance, une méfiance à l’égard du religieux et non une hostilité à l’égard du christianisme d’hier ou de l’islam d’aujourd’hui..»
On ne va pas se mentir, je partais avec un à-priori positif sur cet essai, qui n’est pas mon genre littéraire préféré. Mais il s’agit là de l’avocat de Charlie, qui défend des valeurs qui sont chères : la tolérance (la vraie), la liberté d’expression (sans incitation à la haine) et la laïcité (chacun sa foi et dieu pour qui veut). J’ai trouvé réconfortant de lire ce texte. Ici, entre deux constats alarmants sur ce que la société est malheureusement en train de devenir, j’ai trouvé aussi un message d’espoir : Malka dit tout haut ce que je pense et ce pour quoi je me bats depuis si longtemps. Ô, quel soulagement que de ne pas être seule ! Quelle reconnaissance de se dire que Voltaire, déjà, mais aussi Zola, Hugo, Comte et bien d’autres se sont élevés pour défendre les droits de l’homme avant ceux des religions. Parce que c’est de cela qu’il s’agit avant tout : de respect des libertés des individus, de la nécessité de remettre les dogmes à leurs places et de rappeler que la France n’est pas un pays anti-chrétien, antisémite ou islamophobe, non, c’est un pays Laïc, où chacun est libre de vivre sa religion, chez lui, sans que cela n’interfère avec la liberté des autres.
« Laisser l’appartenance à une communauté religieuse vous dévorer représente un danger mortel, un poison qui fanatise, une névrose qui détruit.»
En proposant, de manière humoristique, de placer Voltaire, ses idées et son image dans les fondements mêmes de la République (en faire les Mariannes de nos mairies, inscrire ses phrases sur les frontons des édifices publics, imprimer son visage sur les billets…) Malka rappelle que ce philosophe, tout en contradiction, est un de ceux qui ont fait briller la France et son exception à travers le monde. Il a été de ceux qui se sont battus pour le droit au blasphème, qui se sont levés pour chasser la religion de notre société et qui a fait valoir la force de la raison et du libre arbitre face à une église liberticide.
Un livre à lire pour se rappeler ce qu’est la France. Pas celle des fachos et du RN. Non, celle des philosophes, des libertés et de la tolérance. De tous, envers tous
« Être blessé par l’exercice d’un droit, c’est le problème de celui qui est blessé, pas de celui qui ne fait qu’exercer son droit.»
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