Niklas Natt och Dag
Lorsque « 1794 » est arrivé dans les cartons de la Bibliothèque, j’ai d’abord été indifférente. Un nouveau polar suédois, rien de neuf sous le soleil. Mais une des habituées m’a demandé le premier volume. Elle en avait entendu parler en termes très élogieux et voulait le lire. Ça a forcément titillé ma curiosité. Et lorsque je suis tombée dessus chez mon libraire d’occasion, je n’ai pas résisté.
L’intrigue se déroule quatre ans après la Révolution française, à Stockholm. Carrel, un boudin (comprendre un agent au service de l’ordre), trouve dans les eaux saumâtres et pourries de la cité un cadavre. Ce dernier a été amputé de tous ses membres, de sa langue et a les yeux crevés. Une enquête va donc être menée de concert entre l’ivrogne ancien combattant et un détective mourant, pour découvrir qui est ce mort et comment il en est arrivé là.
Le récit est divisé en autant de saisons que compte une année. Et adopte trois points de vue complètement différents. On commence bien sûr par la découverte du cadavre et le début de l’enquête. Puis on lit la correspondance d’un jeune homme qui a été forcé de commettre les atrocités précitées. Enfin, on fait la connaissance d’une jeune femme sur laquelle le sort s’acharne. Forcément, tout finit par se rejoindre pour que le lecteur, perdu, finisse par s’y retrouver.
« C'est amusant de voir comme tout un chacun est disposé à aider celui qui ne semble pas avoir besoin d'aide, mais fait des détours pour éviter la détresse qui saute aux yeux »
Parce que le risque de se perdre est grand. Les prises de vues ont du mal à se rejoindre et les détails géographiques, nombreux, participent également à égarer le lecteur le plus aguerri. A condition de bien connaître la capitale suédoise, on peut se repérer, je pense, comme les lecteurs de « Sème la mort » de Malot se repèrent à Étampes. Mais pour les autres, c’est plus compliqué et j’ai, pour ma part, été dérangée plus d’une fois par les déambulations des personnages : je ne savais plus où ils étaient ni où ils allaient. Cela n’enlève en rien à l’intrigue, mais ça gène, un peu comme un petit caillou dans une chaussure n’enlève rien à la beauté de la randonnée mais gâche un peu le plaisir quand même.
D’autre part, j’ai beau être habituée à la lecture de polars, thrillers, policiers et ne pas être plus choupette que ça face à la violence des descriptions, j’ai parfois trouvé que cela allait trop loin. Du sale pour du sale, pour faire frémir, pour dérouter, en quelque sorte. Cependant, les repères chronologiques nous aident à nous souvenir que nous sommes ici dans une autre époque, autrement plus rude et moins aseptisée que celle dans laquelle nous vivons actuellement. Et Natt och Dag dresse un portrait violent, certes, mais je pense assez représentatif de ce qu’était la vie à la fin du XIXème siècle, alors que les monarchies de l ’Europe entière tremblaient suite à ce que nous Français avions fait à nos propres rois.
Cette lecture a été poussive, pas toujours très agréable, et en même temps assez addictive. Il y a eu des moments de découragements et d’autres d’une grande emprise. C’est un premier roman, et à ce titre, on peut se permettre d’être attentifs aux futurs écrits de ce jeune auteur qui me semble avoir du potentiel.
« L'humanité n'est qu'une vermine menteuse, une meute de loups assoiffés de sang qui ne désirent rien tant que de se tailler en pièces les uns les autres dans leur lutte pour la domination. »
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